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L'activité physique
au
secours de la santé publique
Pistes de réflexion pour faire de l'activité physique un réel recours contre la sédentarité

Victor Querton

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Une action de jeu dans la rencontre du championnat de France de rugby entre Tulle et Agen - Iconothèque  de l'INSEP

Des pistes de réflexion pour faire de l'activité physique un réel recours face à la sédentarité

La sédentarité est devenue un enjeu majeur de santé publique que la pandémie de Covid-19 a mis au centre des préoccupations. En France, le système de santé est centré sur le soin plutôt que sur la prévention. La sédentarité entraîne des coûts sanitaires, sociaux et économiques majeurs, de l’ordre de dizaines de milliards d’euros chaque année. Pour inverser ce processus d’immobilisation des corps, l’activité physique doit prendre toute sa place dans les politiques publiques.

A ce jour pourtant, seul le ministère des Sports porte à bout de bras et avec son maigre budget de moins d’1Md€ une politique de développement des activités physiques qui ne saurait à elle seule répondre au problème de la sédentarité. Si son champ et son ambition sont vastes, cette politique se trouve limitée par la vision restrictive qu’ont du sport les autres ministères, qui n’identifient que ses dimensions récréative et compétitive.

 

La sédentarité touche tous les moments de la vie et toutes les périodes de la journée. Elle ne peut être pleinement appréhendée qu’au travers d’une politique transversale et intégrée. Cette politique doit impliquer l’ensemble des ministères, mais aussi des directions de collectivités territoriales, touchant à la mise en mouvement des corps. Il est temps pour le monde politique de se saisir de cette question. Il en va de la santé des citoyens mais aussi de la viabilité du système de santé français. En effet, l’activité physique, considérée comme une thérapeutique depuis 2011, a démontré son efficacité dans l’accompagnement des malades souffrant d’affections de longue durée, de cancers et de maladies chroniques, en limitant de manière spectaculaire les réhospitalisations et les dépenses de santé.

Cet objectif de remettre les corps en mouvement ne doit pas pour autant être mis en œuvre dans une logique de rentabilité directe, au risque d’en faire le vecteur d’un nouvel hygiénisme. A l’inverse, le développement des activités physiques et sportives ne connaîtra des effets pérennes qu’à la condition d’en faire un instrument d’éducation populaire à la santé, permettant à chacune et chacun de se réapproprier son corps et ses mouvements et de comprendre les rapports qu’il entretient avec son environnement.

 

Ce travail s’appuie sur nombre de travaux déjà réalisés dans le domaine du sport, des activités physiques et de la santé. Il s’intéresse d’abord au processus socio- historique de sédentarité et à ses conséquences sur la santé et le système de santé. Il considère ensuite la pertinence de l’activité physique pour lutter contre le couple sédentarité/inactivité physique, avant de se pencher sur les leviers de mise en œuvre d’une action publique transversale pour l’activité physique. Il s’achève par une tentative d’évaluation de la mise en œuvre de l’activité physique adaptée comme thérapeutique et propose des pistes pour accélérer son développement sur l’ensemble du territoire

Nos politiques publiques n’ont pas pris la mesure de la sédentarisation de nos modes de vie et de leurs conséquences dramatiques sur la santé. Chaque année, 4 millions de décès dans le monde sont directement imputables à la sédentarité, soit 7,5% du total des décès. Il s’agit également d’un facteur déclencheur ou aggravant des affections de longue durée telles que les cancers et des maladies chroniques comme le diabète. La prévalence des cancers a augmenté de 84% entre 1994 et 2004 et les maladies chroniques touchent aujourd’hui près de 20 millions de personnes en France. Enfin, 54% des hommes et 44% des femmes ayant entre 18 et 74 ans sont en surpoids ou obèses.

Ces chiffres alarmants sont connus depuis des années. L’urgence à agir est d’autant plus aigüe que la sédentarité révèle et accroît les inégalités sociales qui mettent à mal le pacte républicain. Les personnes les plus défavorisées pratiquent le moins d’activité physique et sont les plus sédentaires. Comme le révèle l’Eurobaromètre, les pratiques d’activité physiques quotidiennes et de sport sont liées à des facteurs démographiques : le genre et l’âge ; ainsi qu’à des facteurs sociaux : les études, l’aisance financière et le type d’emploi exercé. Les personnes ayant systématiquement du mal à payer leurs factures ont 63% de chances de plus que les autres de ne jamais pratiquer d’activité physique, augmentant de 30% leurs chances de développer un diabète ou d’avoir un accident vasculaire-cérébral. Le coût des maladies liées à la sédentarité repose donc en majorité sur les personnes disposant des plus faibles moyens pour s’en prémunir.

La sédentarité représente en plus un fardeau financier considérable pour l’Etat. Son coût est estimé chaque année à 16,7Md€ comprenant 81% de coûts directs (dépenses liées à la sédentarité) et 19% de coûts indirects (manque à gagner fiscal lié à la perte de productivité). Plus largement, les soins liés aux maladies chroniques représentent à eux seuls 90Md€ de dépenses annuelles pour l’assurance maladie, soit 38% de l’objectif national de dépenses annuel de l’assurance maladie.

L’activité physique est reconnue depuis longtemps comme une solution de prévention face à l’épidémie de sédentarité. Au-delà d’en limiter les effets en prévention primaire, l’activité physique pratiquée régulièrement contribue à tout âge au renforcement des capacités physiques et cognitives des individus, allongeant ainsi l’espérance de vie en bonne santé et retardant la perte d’autonomie. En effet, 15 minutes d’activité physique quotidienne permettent d’allonger de trois ans l’espérance de vie. Les activités physiques et sportives (APS) ont donc un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la sédentarité et des pathologies qui lui sont liées.

L’activité physique n’est pas uniquement un moyen de prévenir les conséquences de la sédentarité mais aussi une réelle thérapeutique permettant de soigner les pathologies qui y sont associées. Ainsi, l’activité physique adaptée (APA) est reconnue comme une thérapie non-médicamenteuse par la Haute Autorité de Santé depuis 2011 et il est possible de la prescrire depuis 2017. L’APA consiste en une prescription par un médecin, suivi d’un bilan de conditions physiques et de séances d’activité physique adaptées aux capacités du patient et réalisées sous la supervision d’un professionnel : enseignant en activité physique adaptée, masseur-kinésithérapeute ou éducateur sportif. Ce traitement non médicamenteux permet de réduire considérablement les risques de rechute ou de survenue d’une maladie chronique ou d’une affection longue durée. L’APA est également indiquée pour prévenir l’entrée en dépendance des personnes avançant en âge. En 2022, la loi sur la démocratisation du sport a étendu la prescription d’APA à 22,5M de patients potentiels, contre environ 11M auparavant.

Cette généralisation se heurte toutefois au non-remboursement de ce traitement par l’assurance maladie, à la connaissance réduite qu’ont les médecins de ce dispositif, et à l’inorganisation des réseaux de professionnels de l’APA. Puisque la généralisation de l’APA est un levier majeur pour lutter contre les maladies liées à la sédentarité et constitue un vecteur d’économies substantielles pour l’Etat, sa prise en charge par l’assurance maladie doit être mise à l’ordre du jour. En effet la prise en charge des parcours d'APA pour les seules personnes souffrant de maladies cardiovasculaires constituerait déjà une économie de 3,3Md€ pour la sécurité sociale. En ce sens, des propositions sont formulées concernant, d’une part, la prise ne charge des traitements APA par l’assurance maladie et, d’autre part, la structuration des réseaux de professionnels.

Recommandations

Recommandation 1 : mettre en place une prise en charge allant jusqu’à 500€ des parcours d’activité physique adaptée (APA) (bilans + séances) par l’assurance maladie pour les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires – gain net estimé : 3,28Md€ (coût maximum : 2,05Md€ / dépenses évitées : 5,33Md€).

Recommandation 2 : mettre en place une part incompressible de 1% du fonds d’intervention régional des Agences régionales de santé (ARS), allouée à la promotion et la structuration de réseaux de professionnels de l’activité physique adaptée dans le cadre de sa mission de prévention et de promotion de la santé – apport estimé 37M€.

Recommandation 3 : intégrer les enseignants en activité physique adaptée dans la catégorie des professionnels de santé en tant qu’auxiliaires médicaux (art. L4311-1 à L4394-4 du code de santé publique) et harmoniser la formation des éducateurs sportifs leur permettant de diriger des séances d’APA.

Recommandation 4 : structurer les réseaux d’acteurs territoriaux de l’APA dans le cadre de contrats locaux de santé cofinancés par les ARS et les collectivités.

Recommandation 5 : intégrer la prescription d’activité physique adaptée dans la rémunération sur objectifs de santé publique des médecins.

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